Interview : Tristan Décamps (ANGE) répond aux questions de Prog-Mania

Un nouveau chapitre s’est ouvert en 2025 pour le groupe ANGE avec le départ de Christian Décamps – chanteur et cocréateur du groupe en 1969 – l’album « Cunégonde » sorti mi septembre, et la tournée « Quitter la Meute » qui démarre le 4 octobre 2025.

Tristan Décamps a très gentiment accepté de répondre à nos questions sur ces différents sujets.

PM : 2025 est une année charnière pour ANGE, avec notamment le départ de la scène de ton père Christian Décamps et la sortie de l’album « Cunégonde ». Comment s’est construit ce premier album sous cette nouvelle ère ? Christian Décamps a-t-il participé à sa conception et à sa mise en forme ? Comment ont été écrits les textes, la musique ?

TD : La construction de l’album a commencé il y a quatre ans. Je ne sais pas si c’était pertinent de refaire un album, mais nous nous sommes dit que quitte à en refaire un, nous allions le faire différemment. Nous nous sommes réunis – les quatre musiciens – au studio dans un esprit de jam session et nous avons commencé à composer ensemble. Mon père écrivait les textes de son côté, bien qu’il ait également composé deux morceaux (« Cunégonde » et « Fruits et Légumes »). J’ai pour ma part apporté l’ossature du « Langage des Fluides » et de « Prisonnier de l’Aube » et Benoît Cazzulini (le batteur) a amené un thème de guitare qui s’est transformé en « Ennio », que nous avons structuré ensemble. Le reste est une écriture collective. C’est un album beaucoup plus travaillé dans un esprit groupe qu’auparavant. J’ai également co-écrit deux textes avec mon père.

PM : Quel est le thème central de « Cunégonde » ? Que raconte cet album ?

TD : Je ne pense pas qu’il y ait un thème central pour « Cunégonde ». On y trouve des sujets d’actualité et des morceaux de vie que Ange a toujours survolé durant des décennies. Le monde tourne en rond donc on retrouve souvent les mêmes thèmes dans les chansons, mais on a essayé de les travailler différemment et de leur donner une nouvelle forme. C’est surtout aux auditeurs de laisser libre court à leur imaginaire et d’y trouver la vibration qui résonnera en eux, c’est l’essence même d’un projet artistique. Je pense que c’est davantage un album « sensations » qu’une direction définie et imposée aux gens. Mais on peut considérer qu’il y a une dimension un peu plus cinématographique sur celui-là que sur les précédents.

PM : Le style de ANGE reste-t-il globalement le même dans ce nouvel album, ou bien certains fans historiques de ce groupe légendaire risquent ils d’être surpris ?

TD : Certains fans risquent d’être surpris oui, bien évidemment. Mais je pense que tant qu’il reste quelques plumes poétiques de l’Ange Christian Décamps, il reste une belle part de l’esprit du groupe.

PM : ANGE va retrouver la scène début octobre. Comment vous préparez-vous ? Comment va évoluer la scénographie des concerts ?

TD : Pour la scène il y a effectivement des changements. Si Ange a changé de chanteur, le groupe a également changé de claviériste et ces deux places ont toujours été des postes clés dans l’histoire du groupe. Pour nous aussi, cela fait un gros changement, mais nous sommes obligés de nous adapter à cette formule et on espère que ça ne perturbera pas trop ceux qui ont déjà leurs repères. Quoi qu’il en soit, nous travaillons de manière beaucoup plus collective aujourd’hui et certains extraits de chansons seront également chantés par d’autres membres du groupe. La disposition scénique va changer elle aussi en faveur du collectif. Nous allons jouer des morceaux de différentes époques de ce groupe mythique et c’est un honneur pour nous tous.

PM : Concernant les parties chantées, jusqu’à présent elles étaient plus ou moins partagées avec Christian Décamps. Vous n’avez pas la même typologie de chant. Les morceaux historiques de ANGE seront-ils toujours joués en live ?

TD : Encore une fois on adapte. Christian est baryton, je suis ténor et nous n’avons pas la même façon de chanter. Si on prend l’exemple de « Capitaine Cœur de Miel », c’est une composition majeure dans l’histoire de Ange, que nous avons commencé à travailler sous Christian Décamps et Fils et nous avons mis trente ans à arriver à sa forme finale. Le personnage collait mille fois mieux à Christian à la fin de sa carrière qu’à la sortie de l’album « Guet-apens », car plus il prenait de l’âge, plus il patinait le personnage. C’est devenu un morceau culte à jouer sur scène et au bout de trente ans, toutes les planètes étaient alignées et ce morceau était grandiose dans sa forme finale. Mais aujourd’hui on ne pourrait pas faire mieux car chacun était à sa place. Donc il y a des morceaux comme celui-là que l’on ne peut pas jouer sans Christian car ça n’aurait plus le même sens et ce serait forcément moins puissant donc je pense qu’il est préférable de garder la beauté du souvenir intacte plutôt que de prendre le risque « d’abîmer » ce qui à été réussi. Pour d’autres titres nous les adaptons afin de restituer au mieux la qualité de ces compositions.

PM : Le groupe ANGE existe depuis plus de 55 ans. Dans quel état d’esprit es-tu pour prendre la succession d’un tel héritage musical, d’un tel monument du rock progressif ?

TD : Je ne suis pas dans un état d’esprit de reprise d’un groupe mythique, je ne me pose pas ces questions. L’état d’esprit pour cette tournée est d’aller prendre du plaisir sur scène et d’en donner au public. Mais ce n’est pas une succession en soi. Dans Ange j’ai toujours été un soutien plus qu’un meneur, donc je ne me sens pas meneur de Ange mais simplement un interprète qui va tenter de passer des émotions. C’est juste la musique qui continue par le biais de cette tournée et c’est cela qui compte. Si je devais faire le travail que faisait mon père dans Ange, je n’en aurais ni le temps, ni l’énergie suffisante. C’était toute sa vie et on ne peut pas vraiment vivre la vie d’une autre personne et encore moins celle de quelqu’un comme mon père qui avait une approche exceptionnelle et unique de la scène. Je prends donc les choses comme elles viennent sans y réfléchir, au jour le jour.  Aller chanter des titres mythiques du groupe, c’est déjà un grand honneur qui me satisfait pleinement et suffisamment.

PM :  ANGE a toujours eu un succès constant, et cela perdure maintenant sur de nombreuses générations. A ton avis, qu’est-ce qui explique cette belle continuité ?

TD : Encore une fois, je pense que c’est mon père qui explique cette continuité. C’est un leader naturel qui a toujours mené le groupe d’une main de maître. Mon père était le moteur de Ange et le public en a toujours été le carburant. Le public est un membre à part entière du groupe, c’est le public qui rend le groupe mythique. Mon père avait ce côté fédérateur avec les gens et les gens le lui rendaient bien. Je pense que c’est une des principales raisons de la pérennité du groupe. Et puis le fait pour le groupe d’avoir réussi à se remettre en question et à évoluer au fil des décennies a contribué à cela aussi.

PM : Dans l’avenir, une collaboration avec des musiciens extérieurs à ANGE est-elle concevable, en live ou bien sur un futur album ?

TD : En ce qui concerne Ange, l’album vient tout juste de sortir avec le line-up qui jouera sur scène. Nous n’avons pas prévu de collaboration sur cette tournée avec des musiciens extérieurs en live. En ce qui me concerne, j’ai toujours aimé travailler avec des musiciens de différents horizons comme je l’ai fait pour mes albums solos et pour le prochain il en sera de même.

PM : Peux-tu nous donner quelques nouvelles de ton père ? Est-il envisageable de le revoir un jour sur scène, ne serait-ce qu’en qualité d’invité ?

TD : Mon père va bien, et comme le disait si bien Emile Jacotey : « à cet âge-ci on se repose » ! Quant à son retour à la scène je n’en ai aucune idée. En tant qu’invité pour un morceau c’est peu probable, mais rien n’est impossible.

PM : Quel est ton ressenti sur l’évolution du rock progressif français et étranger ? Quels sont les artistes emblématiques actuels pour toi de ce style de musique ?

TD : Je ne connais pas assez le rock progressif français, et je dois dire que je n’en écoute pas beaucoup. Pour moi, il y a Lazuli qui est un fabuleux groupe qui fonctionne d’ailleurs mieux à l’étranger qu’en France et tout ça en chantant en français. Ils ont fait beaucoup de concerts en Allemagne et en Angleterre, ils parviennent à s’exporter élégamment et je trouve qu’ils n’ont pas le succès qu’ils méritent en France. A l’étranger il y a Steven Wilson qui réinvente le rock progressif à chaque album. C’est un artiste d’utilité publique pour le rock progressif. Il a apporté énormément au style et l’a beaucoup rafraîchit déjà avec Porcupine Tree, et il continue à y amener de l’air en solo. Ça fait du bien de voir des artistes sortir des vieilles lunes. Il ne fait pas du nouveau pour faire du nouveau et ça surprend l’oreille à chaque fois. Et surprendre l’oreille je pense que c’est tout là l’essence de ce style musical.

PM : Pour conclure, as-tu un scoop à nous apporter ou des informations complémentaires à partager ?

TD : Je n’ai pas grand chose à ajouter, j’espère juste que les gens prendront énormément de plaisir avec cette nouvelle tournée et nous avons hâte de les retrouver !

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