La carrière de ce guitariste précoce et encore jeune est déjà longue et sa collaboration avec ce grand maître de la production qu’est Kevin Shirley date de 10 ans maintenant. Ce nouvel album est présenté comme un tournant pris dans la carrière de JB qui souhaite offrir un disque de blues à ses fans. Du Blues made by JB, car tous les morceaux sont signés par lui-même, s’étant tout de même fait un peu aider par quelques grands maîtres de Nashville.
JB nous avait effectivement habitués dans ses disques précédents à un patchwork de compositions personnelles et de reprises de morceaux plus ou moins connus des années 60 et 70 avec des invités prestigieux (John Hiatt, BB King, Vince Gill, Paul Rodgers…). Ses qualités d’auteur compositeur ne font aucun doute et personnellement je trouve que chacune de ses compositions donne les meilleurs morceaux de ses disques. Parfois pimentées d’un aspect « world » bien dosé, surtout dans « Black Rock ». Des compositions mélodieuses qui s’éloignent souvent des sentiers battus du Blues US et qui ont été pour la plupart magnifiées acoustiquement dans l’indispensable DVD « An Acoustic Evening ».
En plus de cela, JB se trempe dans le Hard des 70′ avec Black Country Communion, le funky jazz rock avec Rock Candy Funk Party et la reprise de très vieux morceaux du répertoire du rock américain féminin sur deux disques avec Beth Hart. On sait depuis longtemps que JB est un prodige de la 6 cordes et qu’il sait tout faire sur cet instrument avec ses 10 doigts.
Donc, Joe Bonamassa veut nous offrir un disque de blues… Après la courte introduction hendrixienne, le quasiment instrumental « Oh beautiful » nous annonce un Rock Blues musclé, à la limite du Hard Rock que JB faisait avec Black Country Communion. Un excellent morceau avec un très beau son de la guitare et des amplis vintage (c’est-à-dire d’avant les 70′) utilisés ici et mis en valeur par la prise de son et les techniques modernes d’enregistrement. Et ceci tout au long du disque. Bravo Kevin Shirley ! Ce qui marque aussi c’est la voix (ici « a capella ») de JB très belle et parfois méconnaissable. C’est une constante sur ce disque, ce n’est pas un artifice d’enregistrement, JB chante très bien, il a acquis une belle maitrise de sa voix surtout sur les passages où il la force et dans les aigus. On ne le sent jamais limité et plus « Soul ».
Après… je suis un peu perplexe malgré de nombreuses écoutes. Un disque « plus original et aventureux » comme il a pu être présenté (?). Permettez-moi de ne pas être tout à fait d’accord malgré l’admiration que je porte à ce musicien. Certes, il nous fait un disque de blues, d’accord, pas bien possible de réinviter le genre, c’est sûr. Mais ici la prise de risque est quasiment nulle. De plus il est bien difficile de trouver un véritable Blues, hormis le punchy « Never give all your hart ». L’ensemble sonne plutôt Blues rock et Rythm’n Blues bien arrosé de cuivres ostentatoires parfois justifiés mais parfois inutiles (« Living on the moon »). Les morceaux sont globalement d’un classicisme étonnant, construits sur la base intro/couplet/refrain/solo/couplet/refrain/clôture. Pas de surprises, de changements de rythme, de direction, de breaks inattendus. Certes les soli sont beaux et courts, JB n’en rajoute pas (mais n’en laisse pas une miette aux autres !) et reste inspiré, nuancé et admirable de vélocité. Toutefois les morceaux s’enchainent sans que je puisse dire. « tiens !! là ça sonne d’enfer ou cette phrase est sublime. je vais me la repasser » ! On a tout de même une belle trilogie avec « I gave up… » et « get back my to morrow », du Rock pur Bonamassa que l’on aime et que l’on aurais aimé tout le long du disque. Puis « Different shade of blue », un beau morceau digne des plus belles ballades sudistes avec un solo en tonalité mineure à pleurer. L’album se termine sur les deux morceaux que j’aime le moins, un Rythm’n Blues surchargé (guitare, Hammond, piano, percussions et cuivres) qui rend son écoute assommante et un slow insipide lui aussi surchargé par des violons sirupeux.
J’ai eu la même impression de « déjà entendu » sans originalité qu’à l’écoute de Seesaw le second album qu’il a fait avec Beth Hart, très cuivré lui aussi. Cependant là on était sur des reprises donc difficile d’être très novateur. Ce qui n’est pas le cas ici, c’est même le contraire.
Les musiciens, des baroudeurs connus de longue date, ne souffrent d’aucun reproche, la dynamique, la pêche et le groove sont bien présents.
Ce qui me déçoit légèrement, c’est que ce musicien qui est à l’apogée de son art ne nous propose pas des choses plus originales : « voilà les amis, je suis un bluesman et mon blues c’est ça, voici mon empreinte ». Non, hormis les 4 morceaux sus-cités on reste dans des schémas mille fois entendus d’un blues américain certes agréable mais servi ici de manière un peu froide, sans vraiment d’âme. Dommage de s’en tenir à un discours musical identique à ce que nous proposait le « blues contemporain » du début des années 90. Rien n’est mauvais bien sûr, aucune faute de goût et ce serait un petit nouveau on dirait que c’est un évènement à suivre. Mais là il s’agit de Joe Bonamassa quand même! Aucun morceau n’a la force mélodique d’opus tels que « The ballad of John henri » ou « Dust Bowl » ou encore « Dislocated boy » ou « Toward the daylight ».. ; ou bien d’autres compositions antérieures de Joe.
D’autres pointures du genre dont j’ai acquis les derniers opus se montrent beaucoup plus inspirés, créatifs, diversifiés et attachants, à savoir Tedeschi/Trucks, Joe Louis Walker et Kenny Wayne Shepherd.
Bien sûr, sur scène tout cela sera formidable car JB est une bête de scène qui se donne à fond. Mais pour moi ce CD est une (très relative, compte tenu du niveau de l’artiste) déception, car je suis persuadé qu’il peut être beaucoup plus original et qu’il peut beaucoup plus nous étonner.
La pochette est agréable et le livret très intéressant avec la genèse de chaque morceau et l’histoire de la collaboration Joe Bonamassa/Kevin Shirley.
15/20
Chronique écrite par Topprog